Le président français Emmanuel Macron, lors de son discours devant le Mémorial du génocide de Gisozi, au Rwanda, le 27 mai 2021. AFP – LUDOVIC MARIN
Le discours du président français, devant le Mémorial de Gisozi, a duré une vingtaine de minutes. Le ton était très solennel. Il a évoqué l’horreur, « l’éclipse de l’humanité » qu’a constitué le génocide des Tutsis, la « traque implacable » de « ceux dont, dit-il,nous n’avons écouté la souffrance ni avant ni pendant ni même après. »
Emmanuel Macron n’a pas prononcé le mot « excuses ». Des excuses qui étaient pourtant attendues par certaines personnalités au Rwanda. S’il a parlé de la « responsabilité » de la France, il estime qu’elle n’a pas été complice : « Les tueurs qui hantaient les marais, les collines, les églises n’avaient pas le visage de la France. Elle n’a pas été complice. Le sang qui a coulé n’a pas déshonoré ses armes ni les mains de ses soldats qui ont, eux aussi, vu de leurs yeux l’innommable, pansé des blessures et étouffé leurs larmes. »
Ensuite, le président français est revenu sur le devoir de la France : « Mais la France a un rôle, une histoire et une responsabilité politique au Rwanda. Et elle a un devoir : celui de regarder l’Histoire en face et de reconnaître la part de souffrance qu’elle a infligée au peuple rwandais en faisant trop longtemps prévaloir le silence sur l’examen de vérité. En s’engageant dès 1990 dans un conflit dans lequel elle n’avait aucune antériorité, la France n’a pas su entendre la voix de ceux qui l’avaient mise en garde, ou bien a-t-elle surestimé sa force en pensant pouvoir arrêter le pire. La France n’a pas compris que, en voulant faire obstacle à un conflit régional ou une guerre civile, elle restait de fait aux côtés d’un régime génocidaire. En ignorant les alertes des plus lucides observateurs, la France endossait une responsabilité accablante dans un engrenage qui a abouti au pire, alors même qu’elle cherchait précisément à l’éviter. »
Le pardon des victimes
Néanmoins, le chef de l’État français a évoqué le pardon des victimes : « Seuls ceux qui ont traversé la nuit peuvent peut-être pardonner, nous faire le don de nous pardonner. » Le président est revenu sur ces propos lors de la conférence de presse conjointe qui a suivi : « Un génocide ne s’excuse pas, on vit avec. Le pardon ne s’exige pas, qui serais-je pour le faire », a-t-il aussi lancé en préambule, avant de répondre à une question pour la presse sur l’absence d’excuses. « J’entends que les associations auraient souhaité que je demande plus directement ou des excuses ou un pardon. Je pense que “excuses” n’est pas le terme approprié, un pardon ce n’est pas moi qui peut le donner. Cette reconnaissance, c’est ce que je peux donner. »
Autre moment fort du discours, quand Emmanuel Macron a donc reconnu la responsabilité de la France, mais a aussi appelé à poursuivre le travail de recherche et demandé l’ouverture des archives : « En me tenant, avec humilité et respect, à vos côtés, ce jour, je viens reconnaître l’ampleur de nos responsabilités. C’est ainsi poursuivre l’œuvre de connaissance et de vérité que seule permet la rigueur du travail de la recherche et des historiens. En soutenant une nouvelle génération de chercheurs et de chercheuses, qui ont courageusement ouvert un nouvel espace de savoir. En souhaitant, qu’aux côtés de la France, toutes les parties prenantes à cette période de l’histoire rwandaise ouvrent, à leur tour, toutes leurs archives. »
Édition spéciale: réécoutez le discours d’Emmanuel Macron et les réactions à celui-ci sur notre antenne
Ensuite, le président français a rappelé la nécessité de justice : « Reconnaître ce passé, c’est aussi et surtout poursuivre l’œuvre de justice. En nous engageant à ce qu’aucune personne soupçonnée de crimes de génocide ne puisse échapper au travail des juges. »
Il a enfin proposé une alliance respectueuse, lucide, solidaire et mutuellement exigeante entre les jeunesses française et rwandaise.
Source: RFI