La Haute Cour du Rwanda a enfin ordonné la remise en liberté sous caution de Diane Rwigara, une opposante politique de renom, et de sa mère, Adeline, qui viennent de passer plus d’un an en prison. Elles ne peuvent pas quitter la capitale, Kigali, sans autorisation et leur procès – basé sur des accusations politiques – se poursuit.
Elles avaient été arrêtées l’année dernière, quelques jours après que Diane Rwigara eut été empêchée de présenter sa candidature à l’élection présidentielle d’août 2017. Leur libération fait suite à l’amnistie inattendue octroyée le mois dernier par le président Paul Kagame à 2 000 prisonniers, dont une autre dirigeante politique d’opposition, Victoire Ingabire, et le musicien et activiste Kizito Mihigo.
Ces annonces surviennent alors que le Rwanda soutient activement la candidature de sa ministre des affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, à la présidence de l’Organisation internationale de la Francophonie. La décision concernant ce poste doit intervenir lors du sommet de la Francophonie qui se tient cette semaine en Arménie. Alors que Louise Mushikiwabo est soutenue par la France et l’Union africaine, des observateurs ont exprimé leurs inquiétudes quant au bilan du Rwanda en matière de droits humains. Ce dernier contredit les principes fondamentaux de la charte fondatrice de la Francophonie et de la Déclaration de Bamako de 2000 affirmant que Francophonie et démocratie sont indissociables. Le parti au pouvoir au Rwanda s’est depuis des années dissocié de principes démocratiques aussi élémentaires que le respect de l’État de droit.
Les récentes remises en liberté de prisonniers pourraient être le signe que le Rwanda est en train de tourner la page du passé et d’ouvrir l’espace politique, mais il faudra plus qu’un geste discrétionnaire spectaculaire pour convaincre le monde qu’il s’agit bien du début d’un changement systémique et réel.
Tout d’abord, les autorités devraient abandonner les accusations politiques contre Diane et Adeline Rwigara et remettre en liberté les autres prisonniers politiques toujours en détention. Les autorités devraient également cesser de menacer les anciens détenus et de sous-entendre que la liberté relève de décisions arbitraires, comme l’a fait Paul Kagame lorsqu’il a laissé entendre le mois dernier que Victoire Ingabire serait renvoyée en prison si elle ne faisait pas preuve d’humilité.
Le gouvernement doit mettre fin aux exécutions sommaires, aux disparitions forcées, aux arrestations et détentions illégales et aux actes de torture – qui restent tous trop courants au Rwanda. Afin de montrer que de tels crimes ne seront plus tolérés, les autorités devraient faire en sorte que les responsables de ces abus rendent des comptes dans le cadre de procès équitables et crédibles.
Tout ceci démontrerait que le Rwanda est réellement décidé à tourner la page, que le dégel politique est bien réel et que le pays est prêt à défendre les principes de la Francophonie dans le champ des droits humains.